DORIS DRESCHER
PREGNANT OF A NEW WORLD
A en croire Descartes, il faut tâcher toujours à se vaincre soi-même plutôt que la fortune, à changer ses désirs plutôt que l’ordre du monde. On opposera quand même Freud qui, s’il dit du moi qu’il est une pauvre créature, devant servir trois maîtres, lui reconnaît ensemble une dignité certaine, va jusqu’à lui attribuer sécurité et réussite. Donc quelque action efficace.
L’artiste comme créateur, ou inventeur d’un monde justement qu’il oppose à celui qu’il connaît, qu’il rejette. Fémininement, Doris Drescher dira que l’artiste (f) est enceinte d’un monde nouveau. Et d’en tisser, dans ses dessins, les éléments, les contours, avec cette finesse que l’araignée emploie pour sa toile. Il est là en effet un trait d’une extrême ténuité, véritable fil qui d’un coup se libère, prend de l’essor, possession de l’espace hors de la page blanche. La galerie tout entière s’en trouve transformée, muée en pays des merveilles qu’un jeu de miroirs démultiplie.
Du merveilleux, il en entre dans cette constellation toute nouvelle, des angelots s’y alignent ; et un clin d’œil biblique est fait à l’entreprise qui a dans le temps servi à échapper au déluge. Dans ce monde nouveau, humains et animaux se rapprochent, font en tout cas bon ménage, les peintures en témoignent à leur tour. Mais il est une chose qui peut-être frappe le plus, et il faut en revenir aux dessins : l’insistance de Doris Drescher à nommer, on ira jusqu’à dire à définir, une façon de se rassurer sur les choses, d’assurer sa propre place en même temps que de saisir l’attention de l’étranger qui s’y aventure.
Lucien Kayser